C’est en Alsace, que se célèbre le mariage culturel exceptionnel entre le vin et le bois. L'art ancestral de la tonnellerie, né de la rencontre entre les savoirs de la vinification apportés par les peuples de la Méditerranée et l'excellence du travail du bois des peuples du nord des Alpes trouve ici sa terre promise. 

"Autour des Alpes, on conserve le vin grâce à des récipients en bois

et on les entoure de cercles"

Pline l'Ancien, Histoire Naturelle, 14, 132.

Encyclopédie destinée à l'homme romain cultivé publiée vers 77 

Tout le monde ou presque connaît le Musée Unterlinden à Colmar, il abrite le célèbre et merveilleux Retable d’Issenheim et tant et tant de chefs-d’œuvre mais savez-vous que vous pourrez également y découvrir une magnifique cave à vins historique ? Cette cave pavée remplie de magnifiques foudres nous rappelle que Colmar est la Capitale des Vins d'Alsace et que la ville entretient depuis ses origines un lien très fort avec la vigne et le vin. 

La cave de Hansi

La cave fut constituée à la fin des années 1920 par le conservateur du Musée Unterlinden qui était également le célèbre artiste colmarien Jean-Jacques Waltz dit Hansi (1873-1951). En effet, l’illustrateur et peintre avait succédé en 1923 à son père et s'est dans une période de grande crise viticole particulièrement préoccupé de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine culturel inestimable de la vigne et du vin en Alsace. Du pavement aux poutres du plafond, tous les éléments de la cave Alsacienne ont été choisis afin de conserver la mémoire de l’art de la vigne qui jouait un rôle économique de premier ordre dans la région et en particulier à Colmar. La restitution de ce cellier alsacien fut célébrée en son temps par Georges Henri Rivière, conservateur du musée National des Arts et Traditions Populaires. Cette cave doit également être vue comme un témoin de la muséographie de l’Entre-Deux-Guerres et constitue le premier exemple de mise en valeur de ce patrimoine en France. Dans cette cave, ont été rassemblés des outils liés à la vendange, des pressoirs -le plus ancien date de 1654- et de gigantesques tonneaux également appelés foudres. 

Le bourguignon Camille Rodier, grand ami de Jean-Jacques Waltz a écrit dans son célèbre ouvrage "le Vin de Bourgogne" paru en 1937 et illustré par Hansi : "En un mot, le tonneau était le vêtement du grand vin, tout ce qui s'y rapporte était chose sacrée". L'art de la tonnellerie maîtrisée par les tonneliers trouve véritablement une apogée en Alsace. Dans leur remarquable ouvrage "La Noblesse du Tonneau" paru en 2019 aux Editions de l'Escargot Savant, les bourguignons Gilles Bousquet, Roland Bugada, Frédéric Gillet et André Valognes écrivent "Le tonnelier n'avait pas seulement le privilège de fabriquer et réparer les tonneaux ; nul autre que lui ne pouvait saigner ou soutirer pour autrui les vins dans les villes et leurs faubourgs; et, jusqu'au XVIe siècle, ce furent presque toujours les jurés-tonneliers qui furent charger de goûter les vins mis en vente, soit pour en apprécier la valeur, soit pour reconnaître s'ils n'étaient pas altérés ou frelatés". Il en va de même pour l'Alsace  où les tonneliers sont le plus souvent nommés "gourmets" soit "weinsticher" et sont durant des siècles les véritables experts du vin.  

Le tonneau du Prince Abbé François-Christophe von Hutten

Ce remarquable tonneau, daté de 1767, est orné d'un panneau en bois sculpté et peint constituant le répertoire ornemental du règne de Louis XV.  La partie supérieure du panneau est occupée par les armoiries de l'évêché de Spire et celles de la prévôté de Wissembourg ; au centre ont retrouvé celles de François-Christophe, baron de Hutten, évêque de Spire et prévôt de Wissembourg, 1743-1770, accompagnées de l'inscription : "Ich edles Fass rede dasj dass ich muss seyn alle Zeit nass. Bin ich nicht voll ist mir's nicht wohl, darum bitt ich umb Gottes loillen, thut mich doch fullen, aber mit Venus last mich ungeschoren. Johann Heinrich Rennius hat mich gebohren in dem 1767 Jahr als Frantz Christoph von Hutten Bischof und Fiirst zu Speier war." Ce tonneau a été donné à la Société Schongauer en 1877 par Jean Barben, négociant en vins et brasseur à Colmar. 

Le Fasselritter

Le chef-d’œuvre de cette collection est sans conteste le magnifique tonneau réalisé en Novembre 1781 par le maître tonnelier originaire de Traenheim Peter Meier (1753-1831). Son fronton est orné de dessins en reliefs et de textes entaillés. Dans la partie supérieure, on découvre un drôle de bonhomme ventru et tout nu qui chevauche un tonnelet. Ce Fasselritter ou chevaucheur de tonneau « enceint » trône à califourchon sur un tonneau et tient dans ses mains les accessoires indispensables pour qui veut déguster le bon vin de ce tonneau : un cruchon et un verre. Ce personnage rappelle le dieu du vin Bacchus. 

En voici l'inscription : 

Hir sitz ich

Dicker Wanst mit meinem Rebensaft,

Der gibt Gesunten Mvt, den Kranken Sterck und Kraft.

Wer desen sich bedint mit Mase nvr zvr Zeit,

Den macht der Herr vergnügt, Erfüllt sein Hertz mit Frevd.

Wer aber in misbravcht und savfet Tag und Nacht,

Der wird dadvrch vms Geld vnd Leib vnd Seel gebracht.

Le compartiment central contient une rose aux pétales étalés. La partie inférieure comprend une clé en forme de sirène verrouillant une porte encadrée de trois rangées de moellons et flanquée de deux étoiles à six branches. L’une des étoiles est percée au centre pour la mise du robinet à cheville appelé "Riverle" en alsacien. Le pourtour du fronton est décoré de deux longs et fins rameaux de laurier. Tous ces éléments regroupés annoncent un enfantement extraordinaire ! 

Des trésors d'art populaire en lien avec la mythologie et la puissance créatrice 

Les verrous qui bloquent les portillons de nettoyage des tonneaux étaient souvent sculptés soit par les tonneliers eux-même soit par des sculpteurs professionnels qui réalisaient également les encadrements de fenêtres ou de décors des maisons. Les décors figurent le plus souvent des êtres marins, poissons, dauphins, sirènes... en lien avec la mythologie des dieux du vin Bacchus et Dionysos. 

Maryvonne Perrot, dans son article "Le tonneau un patrimoine historique et symbolique des civilisations du vin" publié dans Territoires du vin, 8, 2018 nous rappelle que "Avec le tonneau, matière et forme sont bien indissociables et renvoient à la complémentarité du féminin et du masculin donc au processus de genèse, de création d’un individu, d’un être. Quoi de mieux pour faire naître, pour élever un vin ? ...Si la terre et l’amphore suggèrent la reconnaissance de la fécondité naturelle, le tonneau, lui, évoque la puissance créatrice en acte, l’acte créateur. Aussi joue-t-il un rôle non négligeable dans l’Alchimie et dans certaines religions."

Pour en savoir plus, je vous invite à me suivre lors d'une visite guidée "Arts et Vins " au Musée Unterlinden 

Le Musée Unterlinden abrite le célèbre et merveilleux Retable d’Issenheim et tant et tant de chefs-d’œuvre, mais savez-vous que vous pourrez également y découvrir l’exceptionnel mariage culturel entre l’Art, le Vin et la Vigne ?

Les collections du Musée Unterlinden nous rappellent que Colmar est LA Capitale des Vins d'Alsace et que la ville entretient, depuis ses origines, un lien très fort avec la vigne et le vin. 

Je vous propose un parcours oenoculturel à travers les collections du Musée Unterlinden qui ne manquera pas de vous surprendre.

Visites guidées "L'Art, La Vigne et le Vin" au Musée Unterlinden  - Durée 1h, 2h, 3h, 4h ou à la carte Contactez-moi 

Informations sur l'auteur

Caroline CLAUDE-BRONNER, fondatrice de Chemins Bio en Alsace , guide conférencière diplômée en Histoire, fille de vignerons alsaciens, passionnée par sa région, vous propose ses services de guidage et d'accompagnement dans la bonne humeur et le respect de l'environnement pour tout public, du junior au senior.

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