La chasse aux sorcières en Alsace

Les sorcières - Gravure de Hans Baldung Grien • 1510
Les sorcières - Gravure de Hans Baldung Grien • 1510

Les évènements et les mouvements d’idées d’aujourd’hui ont des précédents dans les tréfonds de l’Histoire. Il est utile de les connaître, pour mieux comprendre les permanences de la tentation du complotisme, qui se contente de désigner des boucs émissaires. Ainsi, il est intéressant de savoir qu'entre 1490 et 1680, au coeur même de l'éclatante Renaissance, un vent de folie a saisi les terres du Saint Empire romain germanique. Un mouvement  qui a été fatal à toutes celles qui s'écartaient de la "norme" : guérisseuses, accoucheuses, estropiées, riches veuves ou pauvresses, vieillardes ou fillettes.

Pourquoi à un moment donné de l’Histoire en est-on arrivé à torturer, tuer et brûler des êtres humains - essentiellement des femmes- ? Qui étaient les « sorcières » ? Que leur reprochait-on ? Retour sur le contexte historique, religieux, sociologique dans lequel ces procès ont eu lieu. 

Le Malleus maleficarum ou le Marteau des sorcières, édition de 1519
Le Malleus maleficarum ou le Marteau des sorcières, édition de 1519

Le signal de départ de cette grande chasse remonte à 1484, lorsque le pape Innocent VIII décide par la bulle "Summis desiderantes affectibus" soit "Désireux d'ardeur suprême", l'éradication de la sorcellerie. Il charge deux dominicains, Heinrich Krämer, dit Institor, originaire de Sélestat et Jacob Sprenger de nettoyer la zone rhénane. Ces deux zélateurs publient en 1486, le premier ouvrage codifiant la traque des sorcières : Le "Malleus maleficarum". Cet ouvrage stigmatise particulièrement les femmes, son titre traduit en français "Le Marteau des sorcières" et en allemand "Hexenhammer" en est une preuve. Un véritable succès de librairie, qui va lancer le massacre. 

Exacerbant les passions de populations en proie aux guerres et aux misères, d'implacables juges envoyèrent au bûcher des cohortes de "Hexen". Ces femmes accusées de sorcellerie, furent envoyées au bûcher au terme de simulacres de procès et après d'atroces tortures. Comme d'autres régions de l'Empire, l'Alsace n'échappa pas à cette chasse infernale et connu un déchaînement inouï de violences et de cruautés rarement atteint ailleurs. Plusieurs milliers d'Alsaciennes furent ainsi accusées d'avoir vendu leur âme et leur corps au Diable, livrées sur simple dénonciation à une impitoyable justice d'exception. 

Panneau de l'exposition "Sorcières ! Rites, croyances et persécutions en Alsace"
Panneau de l'exposition "Sorcières ! Rites, croyances et persécutions en Alsace"

De cette situation historique découle une image durable : la femme malfaisante, un imaginaire qui marque encore nos sociétés et les nombreux féminicides toujours perpétrés de par le monde. 


Des lieux à découvrir en Alsace :

La maison des sorcières S'Haxahus à Bergheim : Les procès de sorcellerie jugés à Bergheim sont un évènement peu connu de l'histoire d'Alsace. Et pourtant le bilan de cette période est effrayant : 43 femmes toutes condamnées après des procès expéditifs et pour la plupart brûlées vives. A travers images, gravures, films vidéo, archives, textes courts (en français et en allemand), la Maison des Sorcières invite depuis 1997 à interroger le passé pour mieux comprendre le présent et à porter un regard sur l'exclusion et l'intolérance d'aujourd'hui. 

La société d’histoire de Bergheim a publié en 2022 un ouvrage captivant sur ces procès de sorcières entre 1582 et 1683, retranscrits et traduits du vieil allemand. Imaginez-vous : sur la seule année 1630, 22 femmes ont été brûlées. Ce travail de 25 ans trouve un nouvel aboutissement dans un livre historique bilingue tout juste publié, Les procès de sorcellerie à Bergheim / Die Hexenverfolgung in Bergheim 1582-1683.


Pour en savoir plus : 


Informations sur l'auteur

Caroline CLAUDE-BRONNER : Fondatrice de Chemins Bio en Alsace, guide conférencière diplômée en Histoire, fille de vignerons alsaciens, passionnée par sa région, vous propose ses services de guidage et d'accompagnement dans la bonne humeur et le respect de l'environnement pour tout public, du junior au senior.

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