Et vous, bons vins captifs sous les cercles de fer ou d'osier, vous attendez avec impatience l'heureux instant de passer dans nos veines, de faire battre nos coeurs, de revivre en nous !...
Eh bien, vous n'attendrez pas longtemps ; je jure de vous délivrer, de vous faire chanter et rire, autant que l'Être des êtres voudra bien me confier cette noble mission sur la terre !
Mais quand je ne serai plus, quand mes os auront reverdi et se dresseront en ceps noueux sur le coteau ; quand mon sang bouillonnera en gouttelettes vermeilles dans les grappes mûries, et qu'il s'épanchera du pressoir en flots limpides, alors, jeunes gens, à votre tour de me délivrer !
Laissez-moi revivre en vous, faire votre force, votre joie, votre courage, comme les ancêtres font le mien aujourd'hui c'est tout ce que je vous demande.
Et ce faisant, nous accomplirons, chacun à notre tour, le précepte sublime : Aimez-vous les uns les autres, dans les siècles des siècles. Amen !
Extrait du Conte : " Le Chant de la Tonne" par Erckmann-Chatrian publié dans Contes des bords du Rhin, in Contes et Romans populaires paru en 1867 aux célèbres éditions Hetzel.